Du temps de l’Antiquité, le lentisque est connu de tous tout autour du bassin méditerranéen, en particulier la résine qui s’écoule parfois naturellement de cet arbre, comme c’est le cas en Turquie ou en Grèce (sur l’île de Chios, par exemple, le lentisque sécrète du mastic en larmes). En Égypte, on en distingue de trois types : le blanc, le noir et le rouge. C’est d’ailleurs dans l’une des plus fameuses recettes égyptiennes de l’Antiquité que l’on retrouve le lentisque parmi une foule d’ingrédients : le kyphi.
Cet « encens » sous forme solide était brûlé par fumigation en guise d’offrande. Mais le lentisque pouvait aussi se rencontrer sous forme de pastille, mêlé à d’autres végétaux, comme la lavande et l’oliban, ou bien simplement sous sa forme brute, c’est-à-dire de résine obtenue en incisant l’écorce du lentisque, dont le nom latin lentiscus semble provenir du mot lentus, « mou », eu égard à la texture de cette résine avant qu’elle ne sèche à l’air libre, comme c’est aussi le cas de la myrrhe, de l’oliban, etc.
Déjà mentionnée par Théophraste, Dioscoride, Pline, Columelle, Scribonius Largus, etc., cette résine est connue des Romains sous le nom de mastixchia (autrement dit, mastic de Chios, en référence à l’île grecque où cet arbre pousse en abondance), alors que lentiscus désignait par ce nom les feuilles du pistachier (pistacia pour les Latins, pistakia pour les Grecs). Beaucoup utilisé par Alexandre de Tralles (originaire de Lydie), le mastic fut largement mis à contribution par la médecine arabe (Avicenne, Ibn el Baithar, etc.).
À cette époque, autour de l’an mille, on l’utilisait de multiples manières, pour des affections tant internes qu’externes : angine, maladies pulmonaires, palpitations, hydropisie, hématurie, colique hépatique, troubles stomacaux, plaies… Mais, plus communément, on mâche le mastic depuis l’Antiquité pour conserver à la bouche une hygiène irréprochable et pour corriger l’acidité gastrique. Ainsi procédait-on encore au XIXe siècle sur l’île de Chios. C’est pourquoi le lentisque est symbole de pureté et de virginité.
Il n’y a donc rien d’étonnant que de retrouver le lentisque parmi les attributs d’Artémis et, avant elle, chez une divinité crétoise du nom de Britomartis (autrement dit : « la bonne vierge »), qu’Artémis a rapidement supplantée, sans pour autant que la mythologie grecque l’ait oubliée, puisqu’elle deviendra nymphe d’Artémis, connue sous le nom de Dictynna. Cela explique aussi pourquoi les vierges helléniques se paraient de lentisque.
Le lentisque est, à l’état sauvage, un arbuste de 1 à 3 m de hauteur, et il peut atteindre le double quand il est cultivé comme ornemental au jardin. Dans les deux cas, il est une espèce typique des sols secs et rocailleux, tels le maquis par exemple, une espèce que l’on peut rencontrer dans les coteaux et les collines au sud de la France, en Corse, au Maroc, en Grèce, en Turquie, en Bulgarie, etc. Les feuilles du lentisque sont composées de quatre à dix paires de folioles vert foncé, luisantes, allongées, non dentées et qui se teintent légèrement de pourpre l’hiver venu.
Les fleurs, d’abord verdâtres, virent, elles aussi, vers une teinte plus rougeâtre avec le temps. Les fruits, gros comme des pois, plus ou moins rouges, parfois presque noirâtres, apparaissent en octobre et en novembre.
Notons qu’en France, le lentisque n’est pas le seul spécimen de Pistacia, puisqu’on dénombre le pistachier vrai (Pistacia vera), c’est-à-dire celui qui produit les gourmandes pistaches et le térébinthe (Pistacia terebinthus) qui, contrairement au lentisque, perd ses feuilles à la morte saison.